lundi 1 juin 2009

Four à pain extérieur - un rêve qui devient réalité

Historique du four à pain...
par Aurèle Doucet

J’ai réalisé après 3 ans de recherche, la construction de mon four à pain. C’est une histoire qui mérite d’être raconté et ainsi vous communiquez la procédure qui date de 200 ans d’histoire.

Au début des années 1980, je me suis levé avec le rêve de construire un four à pain. Pourquoi ce rêve me diriez-vous et bien mon histoire va certainement vous en fournir la réponse.

J’ai informé mon épouse Francine de mon projet. Elle a trouvé cela très intéressant et m’a accompagné dans ma démarche.

La première étape a été de me rendre au village Acadien au Nouveau-Brunswick. Ce fut très intéressant, mais le modèle ne répondait pas à mon rêve et je ne pouvais pas à ce moment-là en expliquer le pourquoi.

Deuxièmement, je me suis rendu à Québec à la librairie Garneau pour acheter différents livres sur la construction des fours à pain. Encore là, je n’ai pas trouvé ce que je cherchais.

Cette démarche a duré pas moins de trois ans à temps perdu évidemment. Je ne partageais mon rêve qu’avec mon épouse.

Un dimanche de printemps 2004, je me suis rendu chez ma mère, comme tous les dimanches d’ailleurs pour déjeuner et se raconter notre semaine, nos projets et surtout écouter ma mère avec sa très belle philosophie de vie. Encore aujourd’hui, je pense à elle pour me remémorer ses conseils.

Tout en échangeant, je lui confie mon rêve de construire un four à pain et toutes les démarches que j’avais fait depuis au moins 3 ans.

Elle me regarde et s’esclaffe de rire avec la joie qui pétillait dans ses yeux.

Je lui dis : ¨pourquoi tu as l’air si joyeuse¨?

Elle me dit : ¨mais mon gars, j’ai peut-être fait une erreur dans ma vie, de ne pas t’avoir raconté l’histoire de ma famille les Laplante¨.

Mais quel est le rapport avec mon rêve?

Son histoire est la suivante :

La famille Laplante originaire de la Normandie en France a immigré à St-Pacôme (Québec) au début des années 1800. Ils étaient de formation forgeron et maçon, mais surtout de grands spécialistes dans la construction de four à pain. De génération en génération, la famille a transmis ces connaissances mais moi «ma mère», j’ai fait l’erreur de ne pas l’avoir fait. Aujourd’hui, je vais prendre le temps de te transmettre toute la technique de fabrication et d’utilisation.

Je suis resté bouche bée. Enfin, serais-je sur le point de comprendre pourquoi je ne trouvais pas de réponse dans les livres ou la visite du village historique Acadien.

Elle est devenue très sérieuse et concentrée sur son histoire, de notre histoire devrais-je dire.

Elle continua en m’expliquant qu’en 1875, son grand-père Alphonse Laplante a immigré à Ste-Adelaïde de Pabos «Gaspésie» maintenant Chandler. La raison principale de ce déménagement était de venir expliquer aux Gaspésiens comment on construisait un four à pain. Elle me raconte qu’il a fabriqué pratiquement tous les fours à pain de la Gaspésie. Mais souligne-t-elle c’était surtout des forgerons et des maçons.

Je vous fais grâce de tous les détails du déménagement par bateau et de l’implantation de la famille Laplante pour en venir aux techniques de fabrication.

Encore sous l’effet de la surprise de ce qu’elle m’apprenait et que j’allais apprendre, j’écoutais avec beaucoup d’attention tout ce qu’elle m’expliquait.

1ère étape : Construire une plate-forme en bois à la hauteur désirée «chacun sa hauteur», pour commencer le four avec le plancher en terre glaise.

2e étape : Il faut construire ton four avec de la terre glaise de qualité. À ma question, elle me répondit : ¨je vais aller avec toi pour choisir la bonne terre glaise¨.

3e étape : Pour que la terre glaise se travaille bien et devienne comme un rouleau de farine, il faut ajouter du foin mais pas n’importe quel, on doit utiliser du foin de plage qui est beaucoup plus large et aide à maintenir la glaise comme un tout.

4e étape : Après avoir fait le plancher, il faut construire la structure courbée pour la voûte.

À ma question : «Comment on fait la voûte courbée»?

Elle me regarde encore avec ses yeux pétillants en me disant : «Tu sais que nous sommes dans une région de pêcheurs de homards ¨Gaspésie¨, et alors lui dis-je, tu n’as qu’à utiliser une ou deux cages à homard qui sont déjà très bien courbées pour une voûte et tu les couvres de terre glaise».

C’est trop simple lui dis-je, et pourquoi une ou deux cages à homard.

Ma mère répond :¨dans notre temps les familles avaient un minimum de 12 enfants, alors pour faire du pain, des tartes, pour répondre aux besoins des grandes familles, il fallait bien que le four puisse répondre à leurs besoins et c’est pourquoi parfois, mon grand-père utilisait jusqu’à 3 cages à homard¨.

Bien voilà, j’avais tout compris. Après avoir fait le plancher et la voûte en terre glaise, mon four était pratiquement prêt.

Mais non, mais non me répondit ma mère. Tu sais en Gaspésie, l’hiver c’est froid et il fallait pouvoir utiliser ces fours 12 mois par année, même à 20o sous zéro. Ton arrière grand-père a modifié la construction pour le rendre utile toute l’année.

Il avait décidé de placer de la mousse sèche que l’on retrouve dans le sous bois, par-dessus la terre glaise de la voûte et couvrir à nouveau avec une autre couche de terre glaise et cela pouvait se faire de 2 à 3 fois dépendamment du futur propriétaire du four, s’il était vaillant ou pas me répondit ma mère avec un sourire.

Après la construction du four avec une petite cheminée au fond du four, comment je fais pour sortir la cage à homard?

Elle me répond en précisant que les cages à homard sont en bois, alors tu la fais brûler dans le four mais seulement après quelques jours de séchage de la terre glaise.

Hé bien, il ne me restait qu’à construire le four et ma mère décida de m’accompagner dans toute la démarche. Je lui demande, si elle veut m’aider et elle me répondit avec le sourire que oui et cela lui permettra de transmettre ses connaissances et que je ferai à mon tour à mes deux fils alors âgés de 6 ans et 5 ans, Martin et Pierre-Luc. C’est une promesse que je lui ai faite et que j’ai d’ailleurs commencé en 2007 en aidant mon beau-frère Romain Leclerc et mon neveu Marcel Leclerc à construire un four à pain adapté avec des nouveaux matériaux.

Dans les semaines qui suivirent ma rencontre avec ma mère, j’ai effectivement construit mon four à pain comme si je me retrouvais 200 ans dans le passé. Quelle joie! J’ai réalisé mon rêve avec ma mère.

Maintenant, passons à l’étape de l’opération du four. Je ne voulais pas avoir de thermomètre et je voulais l’utiliser comme dans l’ancien temps.

Vous comprendrez que ma mère s’est fait plaisir à me l’expliquer.

D’abord, après avoir réchauffé le four de 3 à 4 heures avec du bois sec et en prenant bien soin de répandre les braises sur l’ensemble du plancher du four, il faut sortir la braise du four et fermer la porte.

Voilà le four est prêt à recevoir vos plats, mais avant il faut vérifier s’il est trop chaud et pour cela, il y a deux méthodes. Si votre four est de qualité, il conservera sa chaleur pour au moins 24 heures.

Premièrement, vous lancez une poignée de farine sur le plancher du four et si elle brunie trop vite, vous devez attendre pour le pain, mais vous pouvez faire cuire des tartes.

Deuxièmement, vous serrez votre poing très fort, vous entrez votre poing dans le four et si vous ne pouvez le maintenir 5 secondes, c’est qu’il est encore trop chaud.

Nous avons depuis l’été 1984 réalisé des activités exceptionnelles comme le passage du 20e siècle au 21e siècle, le 31 décembre 1999, nous avons préparé le four pour la cuisson du soir. Il y avait beaucoup de neige et ce fut magique. À minuit le 31 décembre, nous avons sorti du four à pain, un chaudron de fèves au lard, un chaudron de ragoût de pattes de cochon (porc) et le met Acadien le «six pâtes» ou «seapy».

Ma mère nous a malheureusement quitté en 1996, en nous laissant sa très belle philosophie de vie et sa joie de vivre, mais je vais toujours me souvenir de son sourire et sa fierté d’avoir transmis de génération en génération ce savoir des fours à pain.

J’ai compris un dimanche de 1984, que sans le vouloir mon rêve était lié aux connaissances de la famille sur la construction des fours. Était-ce mon septième sens ou un appel du grand-père Laplante de construire un four à pain qui a fait en sorte que maintenant ses connaissances ne seront plus jamais perdues.

Mes projets sont de fabriquer en 2009 chez mes deux fils, chacun un four à pain avec eux, afin de continuer à transmettre de génération en génération l’expertise familiale.

En 2007, j’ai participé à la construction d’un four à pain avec mon neveu Marcel Leclerc, dont vous trouverez des photos des nouvelles technologiques et matériaux que l’on peut utiliser.

1 commentaire:

  1. C'est très beau et inspirant. Merci beaucoup je repars avec ça dans ma tête et des bonnes idées pour construir mon four à pain au Yukon.

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